lundi 23 janvier 2017

L’impossible maîtrise des contaminants chimiques environnementaux - Nathalie Jas - Observatoire Midi-Pyrénées 2016


 
Conférence donnée le 12 avril 2016 par Nathalie Jas
Nathalie Jas est historienne et sociologue des sciences.
équipe RiTME (Risques Travail Marchés Etat) à l'INRA, dans le cadre des Grands Séminaires de l'Observatoire Midi-Pyrénées.
Cette communication cherche à explorer un paradoxe. Dans le laboratoire, quand elles sont encore des objets de recherche et de développement, les substances chimiques apparaissent comme possédant des propriétés chimiques, biologiques et physiques que les chercheurs et les ingénieurs maîtrisent, contrôlent. Cependant, lorsqu’elles quittent le laboratoire sous la forme d’objets technoscientifiques de (grande) consommation, elles deviennent des « unruly technologies », des objets technoscientifiques aux propriétés inattendues, non envisagées au moment du travail de R&D, puis réglementaire (autorisation de mise sur le marché, conformité etc.), et qui s’avèrent souvent impossibles à maîtriser et à gouverner. Les substances chimiques acquièrent ainsi de nouvelles propriétés qui en font des substances délétères problématiques. Elles deviennent allergènes, carcinogènes, mutagènes, toxiques de la reproduction, perturbateurs endocriniens, persistantes, ubiquistes. Elles ont des effets chroniques, de long terme, transgénérationnels. Elles bio-accumulent, bio-potentialisent, ont des effets synergétiques, circulent sur de très longues distances. La communication apporte des éléments pour rendre compte de ce hiatus entre univers de la R&D et réglementaires et vie des substances chimiques hors du laboratoire. Elle propose une analyse diachronique qui met en évidence l’importance du nombre et des quantités de substances chimiques mises en circulation dans l’environnement depuis 1945 sans évaluation préalable et qui ont progressivement changé la nature de cet environnement. Elle insiste sur le développement important et régulier de nouvelles connaissances scientifiques sur les effets toxiques tout en soulignant que, malgré tout, peu de substances sont bien connues et qu’un ensemble de problèmes complexes mais centraux restent encore largement à explorer. Elle pointe sur l’existence d’un fossé de plus en plus important entre les connaissances scientifiques et les connaissances produites et mobilisées dans les systèmes de régulation. En filigramme, elle caractérise trois modes de gouvernement des toxiques, le gouvernement par les normes, le gouvernement par le risque, le gouvernement par l’adaptation.

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